Fonction publique et procédure disciplinaire : penser au droit de se taire
Pour la première fois, le juge administratif annule une sanction disciplinaire prise par un centre hospitalier universitaire en méconnaissance du droit de se taire :
« Aux termes de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : » Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi « . Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire.
En l’espèce, M. A… soutient sans être contredit par le groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences, lequel n’a d’ailleurs pas produit de mémoire en défense, qu’il n’a pas été informé du droit qu’il avait de se taire lors de la procédure disciplinaire. Dès lors, M. A… est fondé à soutenir que, du fait de la privation de cette garantie, la sanction disciplinaire litigieuse est intervenue au terme d’une procédure irrégulière et doit être annulée » (CAA Paris, 2 avril 2024, n°22PA03578 – décision non définitive à la date de la publication).
La cour applique ainsi la décision du conseil constitutionnel qui a retenu que le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser s’applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais également à toute sanction ayant le caractère d’une punition (en l’espèce, il s’agissait d’un notaire poursuivi disciplinairement) (Décision n°2023-1074 QPC du Conseil Constitutionnel du 8 décembre 2023).
Le juge des référés de Cergy-Pontoise a également fait application de cette décision du conseil constitutionnel s’agissant du retrait pour un an, par le préfet de police, de la carte professionnelle d’un conducteur de taxi en raison de différents manquements (TA Cergy-Pontoise, ord. 21 février 2024, n°2400163).